![]() | Nationalité irakienne Née en 1966 à Kirkuk (Irak) Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni) | Biographie Bibliographie Liste expositions |
Jananne Al-Ani est née en 1966 à Kirkuk, dans le nord de l'Iraq, d'un père arabe et d'une mère irlandaise. En 1980, au début de
Dès 1987, elle commence à exposer son travail dans les galeries londoniennes. Plutôt attirée par la peinture à ses débuts, elle se dirige progressivement vers l'installation photographique, audiovisuelle et vidéo, utilisant de plus en plus les outils informatiques pour mettre en forme son travail. En 1991, elle obtient le premier prix de photographie du South Bank Show. Elle expose ensuite beaucoup, aussi bien en Angleterre qu'à l'étranger. Sa première exposition individuelle a lieu en 1998 à
Ses premiers travaux explorent la construction de la beauté et la représentation du corps dans l'art occidental et, par la suite, son travail continue d'être influencé par son intérêt pour les formes féminines fétichisées dans la peinture et la photographie orientaliste. Elle écrit à ce sujet: "Mon intérêt pour l'orientalisme fut le point de départ d'un long processus visant à réexaminer mon identité culturelle à laquelle j'ai été obligée de me confronter en 1991 avec le déclenchement de la guerre du Golfe"[1].
Toute son œuvre est marquée par le dédoublement: son identité de femme irlandaise et iraquienne la place entre deux mondes, l'occident et l'orient, qui s'affrontent souvent, mais dont la réunion donne une grande richesse humaine et artistique. Le lieu de confluence de cette double identité correspond, dans l'œuvre de Jananne Al-Ani, systématiquement au corps : le sien, celui d'autres femmes, celui de ses sœurs et de sa mère. C'est "le corps comme territoire" dont parle Michket Krifa[2]: "[elle s'est] approprié entièrement l'espace de [sa] création, [son] corps, en en faisant le territoire de [son] expression artistique. Cet espace compact où les expériences et les apparences se synthétisent en une incarnation. Une image de chair qui ne renvoie qu'à elle-même et qui refuse toute forme de symbolisme ou d'iconolâtrie."
Lorsque son travail aborde le thème de la guerre, c'est souvent sous la forme d'une comparaison entre ses propres sentiments, ses expériences et celles de femmes d'autres générations ou d'autres cultures. Sa série photographique Portraits (1999) représente des visages de femmes qui se couvrent le visage de leurs mains, pour cacher une expression de douleur ou de tristesse, offrant un panorama des émotions liées à la guerre et proposant une alternative aux images diffusées par les médias occidentaux.
L'installation vidéo A Loving Man (1996-99) explore la mémoire à travers l'histoire familiale et le récit d'histoires. Elle traite du sentiment de perte et de rejet que vivent les femmes: les épouses, mères et filles séparées de leur père ou de leur mari par les décalages culturels ou la guerre.
Les jeux de mots ou de mémoire constituent le point de départ de beaucoup de ses oeuvres vidéo récentes, dont sa mère et ses sœurs sont souvent les personnages. C'est le cas de A Loving Man, mais également de Tell/Tale (2002) qui joue sur le principe du "téléphone arabe" ou de She Said (2000), installation vidéo composée de cinq écrans où l'on retrouve un travail sur la construction du récit et sur le langage, source de connaissance mais aussi de malentendu.
Dans sa vidéo présentée lors de l'exposition Curio à Londres (2002) et qui fut projetée sur un grand mur face au Kobi Nazrul Centre, le public regarde, sans être vu, une femme se brosser les cheveux qu'elle garde toujours devant son visage. L'artiste cherche, selon ses propres mots, "à perturber la relation de voyeurisme entre le spectateur et le sujet. [...] Le brossage se poursuit, imperturbable, excitant le désir qu'a le spectateur de voir l'identité de la femme révélée"[3].
Jananne Al-Ani a également organisé ou co-organisé divers évènements et expositions, notamment dans le cadre de son travail comme assistante de conservation pour Autograph, une association de photographes noirs. En 2001, elle a par exemple co-organisé avec l'artiste Frances Kearney une exposition collective sur le thème du jeu, Fair Play, au Danielle Arnaud Contemporary Art à Londres dans laquelle elle présentait son œuvre Cradle, une vidéo présentant sur un fond noir des mains qui jouent avec une ficelle ("cradle" correspond en français au jeu de ficelle connu sous le nom de "berceau du chat").
En 2003-2004, c'est avec trois autres artistes qu'elle organise l'exposition itinérante Veil produite par l'inIVA (Institute of International Visual Arts) qui présente le travail d'une vingtaine d'artistes contemporains sur le thème du voile islamique, avec notamment des oeuvres de Majida Khattari et de Ghazel.
En 2003, elle participe à l'exposition DisORIENTation à la Haus der Kulturen der Welt à Berlin ainsi qu'à Love Affairs, exposition itinérante dans les galeries de l'IFA en Allemagne et aux Fantaisies de Harem et les nouvelles Schéhérazade au Centre de Cultura Contemporània de Barcelone.
Fin 2004, elle participera à l'exposition Beyond East and West: Seven Transnational Artists au Hood Museum of Art à Hanovre, poursuivant sa réflexion sur les barrières culturelles entre l'est et l'ouest ainsi que sur la multi-culturalité.
Emilie Benoit
[1] "My interest in Orientalism was the beginning of a long process of re-examining my cultural identity which I was brought face to face with in 1991 with the outbreak of war in the Gulf." Jananne Al-Ani, Artist's statement, novembre 2000.
[2] Commissaire de l'exposition des Rencontres 2002 de la photographie à Arles, in: Rencontres de la photographie 2002, Actes Sud, Arles, 2002, p. 72.
[3] "For CURIO, I am showing a large scale video projection which attempts to disrupt the voyeuristic relationship between viewer and subject. The audience watches, unseen, as a woman brushes her hair forward and over her face. The brushing continues undisturbed, exciting the desire of the viewer for the woman's identity to be revealed.", ibid. (traductions de l'auteur)