Nationalité suisse
Né en 1952 à Zurich (Suisse)
Vit et travaille à Zurich (Suisse)
Biographie
Bibliographie
Liste expositions

Biographie

Peter Fischli, fils d'un architecte et sculpteur formé au Bauhaus, étudie en Italie à l'Académie des beaux-arts d'Urbino de 1975 à 1976 puis à celle de Bologne de 1976 à 1977. Son parcours personnel se résume à une exposition en 1978 à l'Académie de Bologne et à une participation en 1981 à l'exposition Bilder du Kunstmuseum de Winterthur, où il présente Tierwelt [Le Monde des animaux], installation avec animaux vivants, qui représente le cycle de la vie comme un mélange d'activités fébriles et calmes.
Après cette brève expérience, il s'associe à David Weiss, autre artiste zurichois. Ils commencent une production commune en adoptant une seule signature, F / W ; leurs oeuvres ne peuvent donc pas être attribuées plus à l'un qu'à l'autre. Le point de vue de chacun crée, en même temps qu'un équilibre instable, la dynamique de leur collaboration. Dès le début de cette association, leur production est de nature hétérogène, combinant films, photographies, livres d'artistes et sculptures sur des supports aussi divers que l'argile, la résine ou le polyuréthane.
En 1979, la première de leurs oeuvres communes s'intitule Wurstseries [Série des saucisses]. Cette série de photographies met en scène de la charcuterie et des détritus en tout genre dans des scènes de la vie quotidienne (par exemple, un accident de voiture représenté par des saucisses-voitures et des mégots de cigarettes-piétons).
En 1980, ils réalisent leur premier film, Der Gerinste Widerstand [La Moindre Résistance], tourné en Super 8 à Hollywood. Le sujet de ce dialogue entre un rat et un ours, joués par Fischli et Weiss eux-mêmes, est une discussion sur la recherche du succès et du savoir. La même année, ils publient Ordnung und Reinlichkeit [Ordre et propreté], un véritable bréviaire pour la lecture de leur travail, où, à grand renfort de diagrammes, graphiques et questions essentielles ("Dois-je changer les draps du lit ?", "Vers où la galaxie se dirige-t-elle ?"), ils définissent la dérision comme ultime produit de la sagesse et aussi comme élément clef pour la compréhension de leurs oeuvres.
En 1981, leur première exposition personnelle Plötzlich diese Ubersicht [Soudain cette vue d'ensemble], qui se tient à la galerie Stähli de Zurich, rassemble une série de 250 objets en argile molle, posés sur des socles de hauteur différente ou accrochés au mur. L'ensemble, malgré une présentation sobre, donne une impression de profusion au spectateur par l'impossibilité qu'il éprouve à l'embrasser d'un seul regard.
Leur second film, daté de 1982, Der Rechte Weg [Le Droit Chemin], réalisé en Suisse en 16 mm et d'une durée de 60 minutes, reprend la forme de leur premier film, un dialogue entre un ours et un rat. En 1984-1985, ils exposent, à la galerie Monika Sprüth de Cologne, Stiller Nachmittag [Un après-midi tranquille], une série de photographies qui met en scène des ustensiles de cuisine et des légumes en équilibre instable.
En 1986-1987, avec leur troisième film, Der Lauf der Dinge [Le Cours des choses], ils acquièrent une renommée internationale. Cette bande vidéo, tournée à l'origine en 16 mm, retrace en 30 minutes une suite de réactions en chaîne, où se succèdent les combinaisons de mouvements les plus improbables. F / W utilisent toutes sortes de forces, physique ou mécanique, et de principes chimiques pour matérialiser l'énergie qui traverse un microcosme, à la fois création de leur imagination et paradigme de l'univers. Ils soulignent comment tout système, défini par ses possibilités et ses limites, se dirige vers sa propre entropie.
Après des mois de travail dans un espace confiné pour la réalisation de ce film, ils entreprennent un voyage, qui aboutit en 1990 à la publication d'un livre, Airports, recueil de clichés sur les lieux de transit. Peter Fischli et David Weiss confrontent le regard du spectateur à son quotidien, cherchant à créer une forme d'émerveillement simple. Ils indexent des formes de réalité prosaïque, en développant une poétique des lieux communs, tant géographiques (ces lieux que tout le monde connaît) que linguistiques (ces vérités simples que tout le monde s'approprie).
Après la recherche du spectaculaire (Der Lauf der Dinge) et l'attrait pour la mise en scène, leur travail prend alors une nouvelle orientation : le goût pour la médiocrité supposée du quotidien et la provocation par l'évocation du banal avec Bilder, Ansichten [Images, vues], de 1991, série de prises de vues, identiques à celles des cartes postales touristiques.
En 1992, ils réalisent Kanalvideo, sorte de readymade vidéo à partir d'images déjà existantes, filmées par les services de surveillance des égoûts de Zurich. Leur intérêt pour les déchets, produits et rejetés par la même société, se porte autant sur leur aspect matériel (reproduction de détritus) que sur leur aspect immatériel (les images de surveillance).
La même année, Der Tisch [La Table] rassemble une série de sculptures en polyuréthane figurant des répliques d'objets issus de leur atelier, disposés sur une table de grande dimension. En 1993, au Museum für Moderne Kunst de Francfort-sur-le-Main, l'installation Der Raum unter der Treppe [La Pièce sous l'escalier] reprend le même principe d'exposition d'outils en polyuréthane peint, stockés sous un escalier du musée comme dans un atelier d'artisan. Le spectateur ne peut que résoudre seul les interrogations "art ou pas ?", "espace d'exposition ou simple espace de stockage ?".
A la Biennale de Venise, en 1995, F / W présentent Ohne Titel [Sans titre], une installation de 96 heures de bandes vidéo, présentées sur plusieurs téléviseurs, tantôt côte à côte, tantôt se faisant face. Ils opposent un sujet non épique, des scènes de la vie quotidienne, à une présentation qui l'est, par la multiplication des écrans. Ils développent l'idée de "misusing time", un temps que l'on utilise à pratiquer des activités sans intérêt mais avec application. Ils critiquent une culture qui fait prévaloir l'aspect éthique du travail, où l'artiste doit justifier de son engagement social, et une utilisation constructive du temps. La diffusion de ces bandes se fait sans début ni fin précis, comme un défi au spectateur, qui ne peut tout voir ou alors qui doit utiliser du "misusing time" pour cerner l'oeuvre.
Depuis 1996 est présentée dans différents musées à travers le monde une exposition rétrospective, commencée au Walker Art Center de Minneapolis et intitulée In a Restless World ou Arbeiten im Dunkeln.
"Tout le monde sait que l'artiste tient à la fois du savant et du bricoleur : avec des moyens artisanaux, il confectionne un objet matériel qui est en même temps un objet de connaissance."1

Laetitia Rouiller

1 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 33.