Nationalité américaine
Née en 1965 à Berkeley (États-Unis)
Vit et travaille à Santa Monica (États-Unis)
Biographie
Bibliographie
Liste expositions

Biographie

 Andrea Fraser est née en 1965 à Billings dans le Montana. Peintre de formation, sa mère est une artiste féministe engagée dont la pratique évolue vers la performance, la vidéo et la photographie. Initialement étudiant en philosophie, son père devient pasteur. En 1967, ses parents déménagent à Berkeley (Californie), alors haut lieu de la culture de contestation avec en particulier le Free Speech Movement et les manifestations contre la Guerre au Vietnam. À 16 ans, Andrea Fraser décide de quitter le lycée pour suivre des études d'art à New York, fréquentant successivement la New York School of Visual Arts (1982-1983), le Independent Study Program du Whitney Museum (1984-1986) puis la New York University (1986-1987).


 Les écrits du sociologue français Pierre Bourdieu ont une forte influence sur le travail d’Andrea Fraser. Son exploration des conflits et des hiérarchies du monde de l'art ainsi que du rôle de la culture comme symbole de pouvoir et source de différenciation sociale alimentent les réflexions de l’artiste. Andrea Fraser s’attache particulièrement à conceptualiser son travail et ses textes théoriques font ainsi partie intégrale de sa pratique artistique. En 2005, elle en publie un recueil intitulé Museum Highlights, The Writings of Andrea Fraser.


 En 1986, Andrea Fraser est invitée à participer à l’exposition « Damaged Goods » au New Museum of Contemporary Art (New York) dont elle décide alors de proposer une visite guidée. C’est lors de cette performance intitulée « Damaged Goods Gallery Talk Starts Here » qu’elle crée le personnage de Jane Castleton, l'archétype du guide bénévole. Fraser porte ici son attention sur le rôle stratégique de la parole du guide et sur les attentes des visiteurs envers ce dernier. Lors de cette visite, Jane Castleton déroute son auditoire en mélangeant informations relatives à la sécurité du bâtiment, réflexions sur la gestion financière du lieu et considérations théoriques sur le désir fétichiste de possession d’objets. En 1989, avec « Museum Highlights », Fraser reprend cette identité au Musée d’Art de Philadelphie. Alternant tirades dithyrambiques et parodies des réactions des visiteurs, Fraser s’attache à déconstruire les présupposés d’une visite d’exposition. Ses descriptions enflammées des équipements du musée (fontaine d’eau, toilettes) tournent en dérision le discours d’autorité habituellement conféré au guide.


 À l’ American Fine Arts, Co. de New York en 1991, avec « May I Help You ? » Andrea Fraser poursuit ses investigations sur les échanges et interactions entre professionnels de l’art et visiteurs. Elle emploie trois acteurs pour camper les personnages d’employés de galerie. Leur travail est de déclamer un monologue de quinze minutes à chaque personne entrant dans l’exposition. Écrit et dirigé par Fraser, ce monologue s’interroge sur les formations du goût en corrélation avec les appartenances sociales. L’influence de l’ouvrage La Distinction. Critique sociale du jugement (1979) de Pierre Bourdieu est ici décisive. Bien qu’héritière des mouvements de performance des années 1960 et 1970 centrés sur l’engagement du corps de l’artiste, elle s’en éloigne en se permettant de déléguer la réalisation de certaines de ses performances.


 En collaboration avec le commissaire d’exposition autrichien Helmut Drexler, Andrea Fraser initie en 1994 sa recherche « Services » destinée à aborder le travail artistique sous la perspective économique. « Services » cherche à redéfinir ce qu’est une œuvre d’art dans une société postindustrielle et aboutit à la conclusion que celle-ci appartient au secteur tertiaire : elle est un service. Fraser s’engage alors dans un projet de généalogie et d’archivage des pratiques artistiques de service depuis la fin des années 1960. Puis, en 1995 Andrea Fraser est invitée par la Fondation Generali à mener une recherche sur les archives culturelles de cette compagnie d’assurance etements financiers. L’aboutissement de cette étude est l’œuvre « Project in Two Phases » qui pousse Fraser à s’interroger sur son identité d’artiste absorbée au sein d’une institution.


 Dans son œuvre, Andrea Fraser ne se positionne pas en dehors du dispositif de contrôle de l’institution mais envisage sa position d’artiste comme une pratique de résistance depuis l’intérieur de celle-ci. En 2001, avec « Kunst muss hängen » Andrea Fraser reproduit mot pour mot un discours que l’artiste Martin Kippenberger avait prononcé ivre en 1995. Fraser s’intéresse ici de nouveau à la question de la liberté de l’artiste au sein de l’institution et du poids de la prise de parole publique. Cette performance filmée initialement à la galerie Nagel de Cologne est depuis présentée sous la forme d’une installation vidéo et devient alors elle-même une représentation de sa performance. Andrea Fraser œuvre ici à mettre à mal les notions d’authenticité et d’originalité en art par un goût prononcé pour l’appropriation, l’imitation et la subversion. « Little Frank and His Carp » est une vidéo de six minutes issue d'une performance menée en 2001 au musée Guggenheim de Bilbao, au pays basque espagnol. Filmée en caméra cachée, elle présente une intervention non autorisée par le musée : Fraser se procure l’audio guide de la visite architecturale du bâtiment conçu par l'architecte Frank Gehry ; elle obéit alors consciencieusement aux consignes du narrateur et réagit aux injonctions de cette voix qui encadre ses émotions. L’accent mis sur « la sensualité des courbes du bâtiment » amène Andrea Fraser à se frotter lascivement au bâtiment jusqu’à simuler le coït. Cette œuvre souligne le caractère normatif du discours institutionnel imposé au visiteur, dont les intentions de communication confinent souvent à l'excès d'interprétation.


 « Official Welcome » est une commande de 2001 de la fondation Maryland Institute College of Art pour une réception privée. Lors de cette performance, Andrea Fraser se joue du rituel de remise de prix dans le monde de l’art en se réappropriant les attitudes stéréotypées d’orateurs plus ou moins aguerris à cet exercice. Pendant son discours, elle se déshabille progressivement offrant de plus en plus son corps au public. « Untitled » (2003) pousse plus loin ce processus de réification du corps de l’artiste. D’une durée de soixante minutes, cette vidéo silencieuse montre les ébats sexuels d’un homme et d’une femme dans une chambre d’hôtel new-yorkais. Le point de vue de la caméra est surélevé à la manière des caméras de surveillance. On ne distingue pas l’homme mais l’on reconnaît Andrea Fraser. Il s’agit en fait d’une œuvre commandée par un collectionneur (l’homme de la vidéo). L’artiste a tenu à ce que la transaction de cette œuvre suive les méthodes habituelles de vente en galerie : préachetée par le collectionneur, le galeriste a touché 50% de la vente et l’artiste l’autre partie. Outre la rencontre filmée en question, le collectionneur a obtenu une des cinq éditions de la vidéo. Plus que de railler le cliché de l'art comme une prostitution intellectuelle ou le fruit d'un sensationnalisme voyeur, Fraser illustre la situation de prise de pouvoir de l'artiste sur les acteurs de la distribution du marché de l'art. Œuvre transgressive, « Untitled » aborde les rapports qui sous-tendent les relations entre artiste, galeriste et collectionneur mais pose aussi la question des attentes émotionnelles des visiteurs d’expositions.


Avec sa récente installation (2009) intitulée « Projection » Andrea Fraser reprend ses recherches sur les structures psychologiques qui sous-structurent les relations humaines. Cette installation composée de deux vidéoprojections se faisant face à chaque extrémité d’une pièce donne à voir la même actrice (Andrea Fraser), vêtue de la même façon et logée dans le même fauteuil, s'adressant directement à la caméra. Issu d’enregistrements de séances de psychanalyse, le texte de cetre dirige son attention sur les projections latentes de chacun et en particulier dans le domaine de la production artistique. À la suite d’artistes tels que Michael Asher, Daniel Buren ou Hans Haacke, Andrea Fraser s’engage dans un processus de réflexion sur les mécanismes du monde de l’art. Elle devient une figure proéminente du courant appelé « critique institutionnelle ». Ce mouvement issu des pratiques conceptuelles des années 1960 met à l’épreuve la supposée neutralité des lieux d’exposition de l’art et dévoile les rapports de pouvoirs entre ses agents. Il cherche à rendre visible les constructions historiques et sociales qui encadrent et déterminent la production et la réception de l’art.


Laetitia Rouiller