Nationalité française
Né en 1965 à Caen (France)
Vit et travaille à Paris (France)
Biographie
Bibliographie
Liste expositions

Biographie


Après un stage de maquettiste dans l'agence Grafibus (1984), Pierre Joseph entre à l'école des Beaux-Arts de Grenoble, puis étudie en 1988 et 1989 l'image informatique 2D et 3D à l'ENSAD.
En 1991, il est invité à la galerie Air de Paris à Nice, avec Philippe Parreno et Philippe Perrin. Ensemble ils montent les "Ateliers du Paradise", où ils vivent. Dans ce lieu où ils sont environnés de leurs oeuvres, ils réalisent en particulier un film en temps réel sur leurs activités quotidiennes.
Dès l'école des Beaux-Arts, sous l'influence d'artistes et de professeurs tels que Ange Leccia et Jean-Luc Vilmouth, cette génération d'artistes se tourne résolument vers la société contemporaine. Pierre Joseph, Bernard Joisten, Dominique Gonzalez-Foerster sont réunis dans de nombreuses expositions telles que Hyper-Hyper, Composit, Ozone, ou Siberia qui a lieu devant le Magasin de Grenoble dans un caisson marin entièrement peint en blanc et parodie les conventions du lieu d'exposition.
Pierre Joseph réalise des installations, des photographies et des sculptures vivantes se référant à l'image vidéo (le jeu vidéo), à la télévision, au jeu de rôles et aux sports en vogue. Sous l'apparence légère et ludique de ces dimensions, l'artiste développe une démarche qui fait appel à l'interactivité, l'expérience, la réalité vécue et la subjectivité.
Pierre Joseph implique le visiteur par des mises en scène dans les expositions et les dispositifs qu'il conçoit. L'oeuvre est éphémère et les objets créés ou requis n'ont pas nécessairement de valeur artistique, mais supposent un investissement personnel (physique, mental). En 1990 avec Cache-cache, il destine à dix collectionneurs un balluchon contenant une arme blanche et des Reebook, pour un jeu sans règles. La même année avec How we gonna behave, il propose aux visiteurs de la Foire d'art contemporain de Cologne des objets usuels (des baskets et un appareil photographique jetable), invitant l'amateur d'art à prendre conscience de son investigation et des outils qu'il utilise, au-delà de la consommation de l'exposition. Ces jeux de rôles prennent une autre dimension dans les Personnages à réactiver. Créé en 1991 par Pierre Joseph, ce mode d'intervention dans les expositions rappelle les sculptures vivantes des années 60 et 70 de Ben ou Gilbert & George, par exemple. Un acteur incarne un personnage légendaire, historique ou contemporain, et intervient dans le contexte d'une exposition ou dans une oeuvre de l'artiste. Un "guerrier médiéval" et une "mendiante lépreuse" circulaient dans le labyrinthe de l'exposition No Man's Time (1991). Un Paintball fighter se tenait debout devant un tableau de Robert Delaunay au Musée d'art moderne de la Ville de Paris en 1992. Le soir du vernissage, le personnage est photographié. Ce document est associé à un protocole de réactivation, qui peut faire l'objet d'une acquisition et être actualisé par l'acquéreur aux moments de son choix. Les Personnages à réactiver font aussi l'objet d'interventions urbaines par le collage d'affiches.
Par ses dispositifs Pierre Joseph recentre le visiteur sur la réalité, mais il l'introduit aussi dans des espaces virtuels. Dans les expositions à la Villa Arson à Nice en 1997 et à Montpellier en 1998, le visiteur entrait dans une salle, peinte en bleu comme le studio vidéo ; elle permettait le découpage vidéographique de son image et son incrustation dans un univers virtuel. L'artiste actualisait la démarche du spectateur dans un espace totalement différent et lui en livrait le spectacle dans une salle voisine.
L'artiste privilégie à la connaissance livresque celle qu'il acquiert par sa propre expérience. Ainsi en 1990, avec Dominique Gonzalez-Foerster, il travaille sur l'idéation liée à la nostalgie en gériatrie. Puis à son retour du Japon, où il a séjourné dans le cadre'une résidence d'artiste en 1997, il rend compte dans des vidéos de ses apprentissages : de la langue japonaise (Anake), du base-ball (My own expérience of Base-ball), ou de son expérience de production d'objets dans une usine japonaise (Join the work in Japan, Knowledge). Il pose la question de la limite de notre savoir dans l'exposition Playing with Ancestry (Imagination) en 1998, en invitant les visiteurs à imaginer comment ils expliqueraient notre société aux gens du 16e siècle, ainsi que la fabrication et le fonctionnement de nos objets usuels.
Considérant que le monde a déjà été représenté, l'artiste dessine des plans déterminés par sa propre subjectivité : il réduit notamment les transports urbains de sa ville natale (Nice) aux lignes de bus qu'il emprunte, ou encore les rues de la ville de Moriya (Japon) à celles dans lesquelles il s'est déplacé. En 1998, il présente sur une simple feuille de papier son curriculum vitae, rédigé dans une forme brève et conventionnelle mais affirmant la réalité sociale de l'artiste entre parcours artistique et emplois alimentaires.
Pierre Joseph publie en 1996 un texte dans lequel il expose les points de rupture de sa pensée et de sa pratique par rapport à une conception historique de l'art *.
En soulignant différentes formes données à la connaissance, en proposant l'actualisation d'objets usuels, en impliquant le spectateur dans des lieux et des dispositifs d'actualisation différents, Pierre Joseph invite l'individu à prendre lui-même un rôle actif dans l'analyse du sens et la reconnaissance des processus réels.


Thérèse Beyler


* Pierre Joseph, "Mémoire disponible", suivi de la retranscription de son intervention au Congrès de Tours, Documents sur l'art, Dijon, numéro 10, hiver 1996-1997.