Nationalité américaine
Né en 1945 à Salt Lake City (États-Unis)
Vit et travaille à Altadena (États-Unis)
Biographie
Bibliographie
Liste expositions

Biographie

Paul McCarthy est né en 1945 à Salt Lake City, dans l'Utah. Dès le début de ses études, il s'engage dans une filière artistique à l'université de son état. Il découvre alors les assemblages de Rauschenberg, puis l'art minimal et le cinéma expérimental de Bruce Conner et Kenneth Anger, par l'intermédiaire du cinéaste Stan Brakhage, venu enseigner dans son école. A cette époque, il peint ses black paintings : telle une arène, la toile est violentée par l'artiste, qui cogne dessus avec une hache ou un marteau avant de la recouvrir d'essence et de l'enflammer. La violence de l'artiste, déjà manifeste, place d'emblée son travail à mi-chemin entre objet plastique et performance, le geste de destruction donnant son sens à l'œuvre.
Une fois diplômé, Paul McCarthy part pour San Francisco où, malgré une déception vis-à-vis du San Francisco Art Institute, école résolument tournée vers la peinture et l'expressionnisme californien, il réside quelque temps, enthousiasmé par les collectifs d'artistes et les collaborations loin des institutions. Après des démêlés avec la justice pour son refus de partir faire la guerre au Vietnam, il entre à l'école de cinéma USC (University of Southern California) orientée vers le cinéma hollywoodien et poursuit ses études avec l'idée de " faire des films expérimentaux au sein de l'industrie du cinéma, en [s]'appropriant l'industrie : le rêve idéaliste d'une reprise en main ".*
Durant les vingt premières années de sa carrière, l'artiste ne pense pas au marché de l'art, performant pour des publics restreints, dans des chambres d'hôtel ou des espaces alternatifs. Ces performances mêlent joyeusement l'iconographie pop et minimaliste, transgressant le carcan des systèmes : " J'ai versé du ketchup entre deux plaques de verre avec un ami. Le ketchup et le verre au sol ressemblaient à un Carl Andre**… C'était un jeu sur le minimalisme, mais sur le minimalisme et le bien de consommation, sur le minimalisme et le pop. Dans mon esprit à l'époque tout était lié. De Stan Brakhage à Andy Warhol et Carl Andre, de Bruce Nauman à Frank Zappa "*. 
Dans les premières vidéos de Paul McCarthy, il n'y a pas de décor, il privilégie des espaces clos, voire parfois sa propre cuisine. Sans recherche technique au niveau de l'image, les films en noir et blanc rendent compte de performances qui mettent en scène l'artiste en train de peindre ou de souiller son corps, parodiant l'image traditionnelle de l'artiste au travail. Il évoque lui-même la notion d'artiste clown, poussant le grotesque à outrance. Ses événements, relatés dans des publications, sont acclamés par ses amis comme Mike Kelley, Chris Burden ou encore Charles Ray. A l'été 1983, il est décrit dans Artforum, par le critique Thomas McEvilley comme " le plus grand représentant de l'art du geste tabou ", expression qui souligne son questionnement des points sensibles de la société américaine : l'inceste, la violence, la pornographie, etc. Cette reconnaissance lui permet d'abandonner tout travail alimentaire en 1984, pour se consacrer à l'enseignement à l'UCLA (Université de Californie). C'est à cette époque qu'il commence à construire des décors pour ses vidéos, transformant la facture de son travail, jusqu'alors toujours lié spécifiquement à la présence du performer plus qu'à la création d'objets.
En 1987, la subversion de la culture américaine au cœur de son travail le rapproche de Mike Kelley, autre figure majeure de la côte ouest, avec lequel il collaborera ponctuellement jusqu'en 2000. Tous deux portent le même intérêt au conditionnement généré par les structures familiales et sociales et leur aspect répressif. Pour leur première collaboration, Family Tyranny  (1987), Paul McCarthy demande à Mike Kelley de jouer dans une vidéo avec pour seule instruction d'être le fils pendant qu'il incarne le père, mettant en scène de dérangeants secrets de famille.


À partir de 1992, sa carrière prend un nouveau tournant. Même s'il a déjà reçu en 1987 une bourse pour réaliser sa première sculpture cinétique, son travail se développe considérablement, à ce moment-là, avec l'installation The Garden pour l'exposition " Helter Skelter ",  au musée d'art contemporain de Los Angeles. Cette proposition synthétise l'ensemble des recherches de l'artiste. Paul MacCarthy donne un prolongement à ses actions performatives dans la sculpture : Dans un jardin boisé en carton pâte, des effigies humaines en taille réelle, peut-être un père et son fils,  sont animées de mouvements sexuels, l'un semble saillir un arbre, alors que l'autre s'agite sur un morceau de terre, troublant le charme de cette végétation luxuriante. À la fois grotesque et indécent, ce jardin d'Eden est habité par un couple vulgaire, la sculpture mécanique ayant pour simple fonction de remplacer le performeur. Transformant le public en voyeur, Paul McCarthy fait du spectateur un complice, allant même par la suite jusqu'à lui faire porter des masques comme dans Pinocchio Pipenose Householddilemma (Party Pack), 1994, où chaque spectateur doit enfiler un costume de Pinocchio avec masque pour pénétrer dans l'installation.
A cette époque l'iconographie et les matériaux qu'il emploie se rapprochent de l'univers de Disneyland. Il crée des personnages en fibre de verre peints, mais dont l'exagération des traits transforme la stylisation des personnages de Disney en un brouillon parodique et grotesque (Spaghetti Man, 1993, Tomato Heads, 1994, etc.).
Puis, dans les années 2000, il utilise une nouvelle technique : la sculpture avec des matériaux gonflables. L'emblématique Complex Pile (2008) est un étron de quinze mètres de haut sur trente mètres de long. Le gonflable, ainsi détourné de ses habituelles applications ludiques et populaires (ballons, structures gonflables, etc.) sert ici à créer à grande échelle une forme scatologique. Cette sculpture excessive se rapproche d'une certaine forme de minimalisme et d'abstraction. La référence au concept d'informe en art contemporain n'est certainement pas un hasard. On peut y voir l'écho de ses premières performances ainsi que des mises en scène de ses sculptures pornographiques. En exposant des excréments à échelle démesurée, McCarthy poursuit sa réflexion tant sur le rapport au corps que sur la création plastique dans la société américaine contemporaine pudibonde et mercantile.


Patricia Maincent


* Paul McCarthy, entretien par Christophe Khim, Art Press, n°336, juillet-août 2007.
** Carl Andre est un artiste minimaliste, connu, entre autres, pour ses sculptures plates et carrés définissant des espaces au sol, que le public est invité à parcourir.