Nationalité française
Né en 1921 à Neuilly-sur-Seine (France). Décédé en 2012
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Biographie

 " Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu. Et quand nous aurons disparu, nos objets iront là où nous envoyons ceux des nègres : au musée.[1] " À s'en tenir à ces lignes (extraites du commentaire des Statues meurent aussi, 1953[2]) où s'agrègent muséalité, mortalité et disparition du regard, on pourrait imaginer que la présence de " choses markériennes " au musée ne va pas sans cette ironie de l'Histoire à propos de laquelle, précisément, le cinéaste a pu écrire : " C'est ainsi qu'avance l'Histoire, en se bouchant la mémoire comme on se bouche les oreilles.[3] " Toutefois, l'œuvre de Marker entretient sans conteste une relation plus complexe avec la question muséale.

En premier lieu, Marker a conçu un certain nombre d'installations multimédias pour des institutions muséales, parmi lesquelles Zapping Zone (1990-1994), Silent Movie (1994-1995) et Immemory (1997) – la seconde faisant, de surcroît, figure de petit musée portatif pour un cinéma en partie imaginaire, quand la troisième s'est vue qualifier de " cabinet de curiosités numérique[4] ". Par ailleurs, certains de ses films les plus célèbres sont, à des titres divers, liés au musée, à commencer par La Jetée (1962), dont les protagonistes empruntent les souterrains de la cinémathèque française de Chaillot, aussi bien que les allées du Muséum d'histoire naturelle. À cet endroit, il faut également mentionner Sans Soleil (1982), pour sa visite au musée érotico-tragique de Josansei, ainsi que pour son évocation de Vertigo et, en particulier, du musée de la Légion d'honneur dans lequel la Madeleine d'Hitchcock amorçait sa chute. De tout cela, il résulte que, autant qu'un ensemble de propositions concrètes relatives au(x) dispositif(s) mémoriel(s) – toutes propositions déjà abondamment discutées, au passage –, l'œuvre de Marker pourrait bien constituer une interrogation constante du muséal. Mais peut-être s'agit-il des deux faces d'une seule et unique question ?

Homme d'engagements réitérés (les groupes Medvedkine, les sociétés de production ou de distribution Slon et Iskra) comme de coopérations multiples, cinéaste, vidéaste, photographe, créateur de CD-Rom, entre autres casquettes, Marker demeure fondamentalement un homme d'image au sens où jamais, face à ses œuvres, nous n'oublions que nous sommes face à des images, justement, " pas la forme transportable et compacte d'une réalité déjà inaccessible[5] ". Or, de ces images pas dupes quant à leur commerce vis-à-vis d'un référent (voir, exemplairement, Hayao Yamaneko et son synthétiseur, dans Sans Soleil), il revient à Marker d'avoir déployé tous les possibles, étant entendu que cette conscience rendue à l'image passe presque toujours par le commentaire ; et cela vaut pour Lettre de Sibérie (1957), avec sa triple interprétation des vues de Iakoutsk, mais aussi, pêle-mêle et sans exhaustivité, pour Le fond de l'air est rouge (1977), Si j'avais quatre dromadaires (1966), Dimanche à Pékin (1956), et jusqu'à Level Five (1996), sans doute le film le plus mélancolique sur le risque de liquidation du référent par l'image.

Barbara Le Maître

[1]  Chris Marker, Commentaires 1, Paris, Seuil, 1961, p. 9.
[2]   Film coréalisé avec Alain Resnais.
[3] Chris Marker, " Sans Soleil (commentaire) ", Trafic, n° 6, P.O.L, printemps 1993, p. 90.
[4]  Laurence Allard, " Le spectacle de la mémoire vive ", Théorème, n° 6 : " Recherches sur Chris Marker ", P.S.N, 2002, p. 136.
[5] Chris Marker, " Sans Soleil (commentaire) ", art.cité., p. 86.


Bibliographie sélective

ouvrages de Chris Marker :
Le Cœur net, Paris, Seuil, 1949
Giraudoux par lui-même, Paris, Seuil, 1952
Coréennes, Paris, Seuil, 1959
Commentaires 1, Paris, Seuil, 1961
Commentaires 2, Paris, Seuil, 1967
Le Fond de l'air est rouge : scènes de la troisième guerre mondiale, Paris, Maspero, 1978
Le Dépays, Paris, Herscher, 1982
La Jetée, ciné-roman, New York (NY), Zone Books, 1992
Silent Movie, cat. expo., Wexner Center for the Arts, Ohio State University, Columbus (OH), 1995

ouvrages sur Chris Marker :
Thomas Tode, Birgit Kamper (dir.), Chris Marker, filmessayist, CICIM, n° 44-46, 1997
Philippe Dubois (dir.), Théorème, n° 6, 2002