In Memoriam Georges Maciunas (1931-1978), 1978
Bande vidéo analogique Betacam SP PAL numérisée
4/3, noir et blanc, son
28 min 30 s
In Memoriam George Maciunas est l'enregistrement d'un concert Fluxus, Klavierduett, donné en mémoire de George Maciunas l'année de sa disparition, en 1978. Organisé par la galerie René Block, il eut lieu à l'Académie des beaux-arts de Düsseldorf. Le projet de cette manifestation avait été conçu l'année précédente dans le but d'apporter une aide matérielle à George Maciunas, alors atteint d'un cancer. Nam June Paik et Joseph Beuys se réunirent autour de cet enjeu.
L'artiste américain George Maciunas conçut et initia Fluxus. Nam June Paik le rencontre en 1961 à New York, il adhère au mouvement et participe à ses manifestations. Lorsque George Maciunas arrive en Europe au début des années 1960, l'artiste coréen l'introduit dans le milieu de l'art, permettant ainsi le développement de l'état d'esprit Fluxus en Europe.
Deux bandes vidéo existent sous ce titre : l'une rend compte partiellement du concert, alors que l'autre, d'une durée de 74 minutes, en montre l'intégralité.
Les concerts Fluxus sont des happenings créés hors des salles de spectacle conventionnelles. Leur conception s'oppose à la contrainte des règles d'un langage prédéfini, d'une idéologie, et à la fixité d'un programme et intègre le hasard et les circonstances.
La bande s'ouvre sur des séquences qui contextualisent le concert par l'apparition brève des deux artistes jouant du piano, à laquelle succède un long plan séquence sur une affiche. Celle-ci porte, d'une part, l'image en noir et blanc d'un visage masculin masqué, dont les mains sont placées de chaque côté de la tête comme des oreilles, d'autre part le titre de la bande et les dates de naissance et de mort de George Maciunas. Nam June Paik revient à l'écran dans une suite de courtes séquences intimistes qui suggèrent le recueillement. Il apparaît successivement en gros plan et solarisé, tenant une bougie et jouant du piano, puis l'image devient floue. Le fondu crée une disparition visuelle de l'artiste, qui suggère sa mise en retrait. Ces séquences, situées au début de la bande, sont le remaniement de la cinquantième minute du concert, où les lumières de la scène furent momentanément éteintes pour laisser place à ce rituel. Le concert est ensuite montré à travers un plan séquence en noir et blanc, réalisé par une caméra fixe qui saisit alternativement chacun des deux artistes ou le spectacle dans son ensemble et une partie du public. Dès le début de cet enregistrement remanié, la bande son introduit la pièce musicale improvisée par Joseph Beuys, à laquelle se mêlent les interventions sonores de Nam June Paik.
Les deux artistes jouent sur deux pianos à queue qui se font face. Chacun est concentré et recueilli sur son jeu. Joseph Beuys joue avec savoir-faire, tandis que Nam June Paik s'agite et bricole l'intérieur de l'instrument. Il pose le micro sur la corde qu'il va animer de façon répétitive par la touche du clavier. Il s'éloigne du piano préparé et rapporte un réveil. Il l'emballe avec le micro dans sa veste, si bien qu'on entend le tic tac. Joseph Beuys, dans un registre symbolique et mythologique, porte sur son dos un sac et une canne de cuivre enrobée de feutre. Il manipule brièvement une seconde canne appuyée contre le piano. Le public silencieux et statique écoute le concert d'anti-musique.
Klavierduett dure 74 minutes, cette durée correspond à l'inversion des chiffres de l'âge de Maciunas à sa mort. La sonnerie du réveil marquera la fin du concert (dans A Tribute to John Cage, John Cage utilise le même procédé pour le concert 4'33"). La version courte s'arrête après 28 minutes et 30 secondes de concert et tronque le jeu des deux artistes. A la moitié du concert, ils devraient inverser leurs pratiques. La part manquante montrerait notamment Nam June Paik jouant des mélodies connues au piano et Joseph Beuys introduisant des bruits incongrus grâce à un magnétophone et reprenant ainue de l'anti-musique longtemps pratiquée par Paik dans les réunions et festivals Fluxus.
Thérèse Beyler