Mirror Road, 1976
1 Pouce NTSC, couleur, silencieux
Mirror Road est, dans l'oeuvre de Gary Hill, une des premières expérimentations de la création d'images vidéo par un synthétiseur. Cette étude porte en particulier sur la transformation de l'enregistrement d'une scène réelle en un ensemble de formes abstraites et sur la variation des couleurs et des effets de textures sur ce motif unique.
L'image est construite de fines lignes noires qui délimitent des zones ovales aux contours irréguliers dans un espace plan, et rappellent par leur qualité graphique le dessin. Lors de la lecture de cette bande, le spectateur devine l'image initiale grâce aux reflets présents dans une séquence : il s'agit de l'enregistrement en gros plan de flaques d'eau sur l'asphalte, tel que le titre l'évoque. Le synthétiseur et la solarisation ont permis d'isoler les contours et d'attribuer des couleurs variables aux différentes parties de l'image déterminées par les niveaux de densité des gris.
Les images ainsi créées perdent pour la plupart tout lien d'identification avec la scène originale. Les contrastes et la répartition des couleurs et des textures évoquent des sujets de registres différents. Lorsque le fond de l'image est sombre alors que les formes sont claires, l'illusion d'une planète inconnue et de ses continents vus par satellite est créée. Puis, à l'inverse, les formes deviennent sombres sur un écran clair, ou de couleurs vives sur un plan presque blanc. Des couleurs froides rappellent l'aspect métallique de l'univers technique. Des effets de matières et de textures sont réalisés par des variations de contrastes, ainsi des solides et des liquides sont suggérés. Des déplacements se produisent dans les images : latéraux simples (seules les formes sont animées dans une direction horizontale) ou croisés (le fond et les formes sont en mouvement inverse), ou encore diagonaux. L'ensemble de ces jeux formels crée des impressions de paysages (nuages, etc.), de sentiments (romantiques, etc.), et rappellent successivement la peinture lyrique, l'expressionnisme abstrait, l'art informel et le tachisme.
Gary Hill a expérimenté la possibilité d'une peinture électronique dans les oeuvres des années 1975-1979, rassemblées dans Selected Works I. Parmi celles-ci Mirror Road dénote par le caractère informel de son motif qui contribue par l'évocation de sujets différents à l'enrichissement permanent de l'oeuvre, alors que les bandes dont l'image est structurée par une forme architecturée ou un objet tel qu'une fenêtre (Windows, 1978), des outils (Objects with Destinations, 1979) et le thème du bain (Bathing, 1977), révèlent des jeux formels, de couleurs et de textures limitées par le sujet.
Thérèse Beyler