Fifty-Fifty à Belleville, 1992
Bande vidéo Hi8 numérisée, 4/3, couleur, son
11 min
La pratique de la vidéo occupe une place particulière dans le travail de Thomas Hirschhorn, elle est en effet complémentaire à son utilisation des lay-out, expression qu'il utilise pour désigner ses installations et les systèmes de représentations qu'il a mis en place. Ses vidéos prennent un sens au regard de sa pratique du dessin ou de la sculpture comme 50/50 à Belleville en 1992, Les monstres en 1993 ou une série réalisée en 1995 (Robert Walser Video, Antifaschistiche Aktion, I Will Win, Thank You). Thomas Hirschhorn choisit des cadres simples, souvent fixes dans lequel se joue ou non une action. Il apparaît fréquemment dans ses vidéos, posant comme un héros magnifié, une figure archétypale de l'artiste en rébellion contre un système. Il aime travailler avec des rebuts, des déchets et toute matière considérée comme non noble dans l'histoire de la sculpture. Il s'attache à lutter contre l'idée de la qualité de l'œuvre, non pas quant à son sens mais quant à sa réalisation et les matériaux qu'elle comprend. Il réalise ses œuvres avec des matériaux tels que le carton, le papier d'aluminium, les chiffons, les planches de bois, etc… C'est aussi pour cette raison que ses vidéos sont de préférence présentées sur des moniteurs, de la façon la plus simple possible et non en vidéo-projection. Avec 50/50 à Belleville, Thomas Hirschhorn utilise dans sa vidéo un des modes inventés au début de son travail plastique : le 50/50, qui est un système de remplissage laissant vide la moitié du support, l'autre étant rempli avec des collages ou des dessins. Le but de ce vide est de stimuler l'imagination du visiteur ou de le laisser libre pour qu'il soit rempli par son acquéreur. Dans la vidéo, il se poste en haut d'un escalier mécanique de métro, probablement à la station Belleville et distribue des 50/50 à la manière de tracts. La caméra est placée en plongée sur Thomas Hirschhorn, vêtu d'un manteau et d'un pantalon sombre et qui ne montre pas son visage. La caméra capture la réaction des passants, qui acceptent ou non les 50/50. Ils interrogent parfois l'artiste sur la nature du tract, il répond "C'est de l'art". Son but est de concilier l'art et le public au sens large, refusant de voir ses œuvres cantonnées dans les musées. Pour lui, l'art doit être démocratique et surtout permettre au public de réfléchir à des questions sérieuses liées aux problèmes sociaux ou politiques. L'idée d'investir la rue apparaît dès ses premières pièces, non comme un postulat mais comme une nécessité, car c'était le seul endroit où il pouvait montrer ses œuvres. Il utilise ensuite régulièrement des lieux publics pour exposer ses lay-out. En 2001, Skulptur Sortier Station, une œuvre achetée par le Centre Georges Pompidou en 1999, est installée pendant un mois à la station de métro Stalingrad, dans un quartier réputé difficile de Paris et en tout cas, éloigné du quartier traditionnel des musées et des galeries. Elle présente un assemblage de documents et vidéos dans des vitrines et notamment évoque le prix fictif Robert Walser (voir Robert Walser Video). Thomas Hirschhorn nourrit son travail d'hommages aux penseurs et artistes qui enrichissent sa vision de notre société. En tête, viennent Gilles Deleuze, Georges Bataille, Michel Foucault auxquels il a consacré des monuments (lay-out monumental) lors des foires ou événements internationaux du monde de l'art.
Laetitia Rouiller