Continental Divide, 1994

Betacam SP, PAL, couleur, son


"Qui est le meilleur artiste ?", telle est la question. Posée sous la forme d'un interrogatoire entre l'artiste et son double, ou entre deux modes de pensée contradictoires figurés par les protagonistes, cette question tourne en rond de manière conflictuelle et schizophrénique. Le cadre de l'image est centré sur la question : filmés en contre-plongée, les acteurs du drame sont au centre de l'image, dans une pièce noire, réduisant l'espace et l'action à son seul enjeu, que l'un obtienne une réponse de l'autre. La position des acteurs dans l'espace atteste d'emblée de leur relation et du conflit à venir : l'un sur une chaise, soumis à la question, à l'insulte et à la violence, l'autre debout, mobile et inquisiteur, deux visages du moi qui n'arrivent pas à se concilier ni à résoudre la question, même si chaque fois que celle-ci est posée une réponse est donnée, toujours insatisfaisante. Les noms d'un certain nombre d'artistes contemporains sont ainsi proposés, jugés, rejetés, incluant le nom de Rosemarie Trockel même. Ces noms proviennent de la liste établie chaque année par le magazine allemand Focus, qui selon des critères arbitraires (âge, nationalité, galerie, valeur sur le marché) établit chaque année un classement des 100 meilleurs artistes censé représenter l'état de la scène artistique internationale. La question de chercher à savoir qui est le meilleur artiste, mise en scène de manière métaphorique dans ce psychodrame tragi-comique, entraîne avec elle d'autres interrogations : qu'en est-il de la fonction d'un tel classement, qu'en est-il de sa pertinence, qu'en est-il de cette approche au regard de la perception de l'art ? A quoi correspond l'idée de "meilleur", à l'essence des œuvres où aux réalités du marché de l'art ? Cette notion même est elle-valide ?



Etienne Sandrin