No More Reality II (la manifestation), 1991

Betacam SP, PAL, couleur, son


No More Reality II (La manifestation) est la seconde réalisation du programme intitulé No More Reality (1991-1993). La première partie est une vidéo-conférence sur l'histoire des relations entre l'art et le politique, de la Renaissance à nos jours, brouillées par l'interférence de souvenirs de l'artiste (sur Astérix et sa vie intime) et par le vocabulaire hypertrophié et passant d'une langue à une autre. Cette série se termine sur des mises en scène d'objets citant des films.



L'ensemble du programme présente un contenu critique d'une réalité au moyen de la dérision ou de la dénégation, un détournement de la forme de la conférence et une interrogation par l'image et sur les images.



Des enfants manifestent dans une cour de récréation, ils marchent, brandissent des banderoles et crient : "no more reality"[1]. La caméra saisit ce mouvement en plan demi-ensemble à travers un filtre bleu qui épaissit l'atmosphère du groupe, puis elle se déplace, enregistrant en plans serrés l'unique slogan, les visages et les bouches vociférantes.



Le cadrage désigne l'un après l'autre tous les éléments qui définissent une manifestation, et dont le titre et le slogan interrogent le sens de ce modèle politique. L'absence de circonstances, qui motivent généralement cette action, pose un problème d'interprétation du message de l'artiste. Dans Art Press Philippe Parreno répond à Nicolas Bourriaud : "La réalité est manipulable et constamment manipulée. Dire "assez de réalité", c'est s'engager dans ce processus de recréation, de réinvention du réel. Mais ce projet précis était axé sur un décodage d'images, une analyse de l'effet qu'elles ont sur nous. Aujourd'hui j'en ai gardé l'idée qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre le réel, l'image et le commentaire. Je cherche des espaces-temps où ces trois éléments peuvent être appréhendés simultanément."[2]



La substitution des enfants aux adultes suppose une déréalisation ou une absence d'implication sociale dans la représentation. Mais la main du réalisateur qui organise cet espace fictionnel le concrétise dans certains projets par le choix d'un lieu d'intervention, que ce soit la télévision comme dans Surface de réparation 2, l'homme public, ou l'audience d'une inauguration dans L'Homme public, l'ordre du discours (la tribune). Le lieu social est une interface qui permet à une dénégation de prendre sens et d'engendrer des réactions. Mais, à l'opposé, l'image, et en particulier ici l'image vidéo, véhiculée dans des contextes autres que l'oeuvre de l'artiste et le programme entier de No More Reality, perd son sens. A la télévision, l'image n'est jamais l'enregistrement du réel, c'est-à-dire ce qui existe vraiment, elle n'est qu'une construction, qui crée un effet de réel. Faire intervenir les enfants revient à souligner ce "faire semblant" qu'est l'image. De même, dans la première partie du programme, la métaphore de la tour de Babel indique un langage qui n'a pas d'interface avec le réel et qui ne le représente plus.



Thérèse Beyler




[1] Assez de réalité.
[2] "Philippe Parreno, Virtualité réelle", Art Press, Paris, numéro 208, décembre 1995, p. 42.