El Sueno De Una Cosa, 2001 - 2011

Film 35 mm, couleur, transféré sur Master digital 4k, son stéréo, format 16/9ème, durée 1 minute
salle avec lumière froide et diffuse de 8'.


Cette installation de Philippe Parreno a pour élément principal un film d’une minute, tourné en 2001 sur une petite île en Norvège, proche du Pôle. Chaque projection est unique grâce à un logiciel permettant d’éditer un nouveau montage des douze plans qui composent le film. Sachant qu’il y a plus de quatre cent millions combinaisons possibles, on peut considérer qu’il n’existera pas deux versions identiques. Le dispositif est très épuré : dans une salle à la blancheur muséale, un écran blanc est détaché du mur permettant à la projection de flotter dans l’espace, mais isolant aussi cette surface de projection non sans évoquer un monochrome blanc. Un temps d’attente de huit minutes entre chaque visionnage crée une forte tension pour le public qui ne sait à quoi s’attendre. La longueur de l’attente est contrebalancée par la brièveté de la séquence qui arrive de façon impromptue, sans titre ni générique. La pièce puissamment éclairée plonge soudainement dans l’obscurité, créant une rupture brutale. Sur la musique dramatique d’Edgar Varèse, on peut voir une éclosion subite de fleurs, des points de vue sur un fjord, nimbé de soleil, les traces d’un animal dans le sable, l’ombre d’un oiseau en vol sur la végétation. Chaque courte séquence révèle un traitement très soigné, tant au niveau de la lumière que du cadrage méticuleux. La soudaineté du retour de l’éclairage très crue dans la salle dès la fin du plan, provoque un éblouissement. Cette rupture interrompt la contemplation pour ramener au réel du musée, donnant un statut étrange à ces images, comme une vision, provoquant un sentiment d’irréalité au souvenir de ce paysage idyllique. Le renouvellement permanent du «songe d’une chose [1]» crée ce sentiment trouble d’un élément que l’on croit connaître mais qui se décale, imperceptiblement, d’une fois sur l’autre, pour ne laisser qu’une impression fugitive dans nos mémoires.




[1] Traduction du titre en français.




Patricia Maincent