Roadworks, 1985
Bétacam numérique PAL, 4/3, couleur, son
Le caractère conservateur de l’enseignement de la Slade School of Fine Art où Mona Hatoum a étudié à Londres a sans doute poussé l’artiste à se tourner vers des pratiques artistiques alternatives, telles que la performance. C’est ainsi qu’au cours des années 1980, elle réalise une série de performances au contenu fortement politique. En 1985, la Brixton Art Gallery invite dix artistes contemporains à créer des performances dans les rues de Brixton, quartier ouvrier situé dans la banlieue de Londres. Les photographies prises durant ces actions font alors l’objet d’une exposition dans la galerie. Dans ce contexte de commande, Mona Hatoum présente deux performances intitulées Roadworks. En intégrant son travail dans l’espace public, l’intention de l’artiste est de créer un lien entre les artistes et un public très différent de celui des musées et des galeries. Dans la première vidéo, l’artiste marche pieds nus dans les rues de la ville, trainant derrière elle une paire de bottes Doc Martens aux lacets noués à ses chevilles. Ses pieds nus sur le goudron de la ville apparaissent vulnérables et non adaptés en comparaison à la lourdeur des bottes, traditionnellement portées par un panel social très large : les ouvriers, la police, les skinheads et la mouvance punk de la fin des années 1970. Dans la deuxième performance, réalisée en collaboration avec Stefan Szczelkun, les deux artistes, la bouche recouverte de ruban adhésif, habillés de combinaisons noires et pieds nus, se poussent mutuellement. L’un des deux tombent et l’autre dessine à la craie blanche la silhouette du corps au sol, à la manière des repérages de scènes de crime. Les rôles sont ensuite inversés, celui qui a été poussé devient celui qui pousse et à son tour dessine le corps de celui qui est au sol. Le processus de violence anonyme se poursuit en boucle à l’infini, jusqu’à ce que les traces au sol forment une trainée sur le trottoir. A travers des actions a priori très simples, l’artiste fait une description de la mixité sociale du quartier et des violences dont elle peut être témoin.
Priscilia Marques