There Was an Unseen Cloud Moving, 1988

Betacam SP, PAl, couleur, son


Isabelle Eberhardt, née en 1877 à Genève, mourut en 1904 en Algérie, alors qu'elle visitait le Maghreb déguisée en homme. Elle relata ses voyages dans de nombreux écrits publiés après sa mort. L'étonnant parcours de cette exploratrice est à l'origine de plusieurs projets de Leslie Thornton. There Was An Unseen Cloud Moving (il y avait un nuage, qu'on ne voyait pas, qui se déplaçait) est la première séquence de ces recherches. L'intérêt pour ce personnage manifeste un questionnement plus global dans son œuvre sur la question du genre, et la place de la femme dans la société, ainsi que sur l'émergence de la modernité et la notion de document qui en découle, photographie, films, presse.. Fonctionnant par fragment, le film est un collage de reconstitutions avec différentes actrices incarnant l'héroïne, d'archives d'époque, mais aussi de photos de presse, d'écrits, d'extraits de films de cinéma.. En faisant intervenir plusieurs comédiennes pour représenter le même personnage, le spectateur est directement confronté à la problématique de la représentation. Les différents visages des comédiennes se superposent, détruisant le mécanisme d'identification propre au film qui oblitère l'acteur au profit du personnage incarné. Ce portrait multiple révèle une faille dans la possibilité d'une reconstitution tant au niveau historique qu'au niveau intime. On peut à nouveau voir l'archive des premiers pas d'Armstrong sur la lune, déjà présente dans Strange Space ou Peggy and Fred in hell, qui est certainement une des moments les plus forts de l'histoire de la télévision. Ici, la découverte du paysage lunaire est à rapprocher de l'étrangeté des premiers pas d'une femme occidentale dans le monde masculin d'Afrique du Nord. Des extraits du film de Julien Duvivier Pepe le Moko ponctuent cette biographie, ajoutant une trame romanesque à la personnalité d'Isabelle Eberhardt, amoureuse d'un Slimane, prénom de l'inspecteur dans le film de Duvivier. Ce montage sensible et complexe, faits de contradictions, répétitions, apartés, ou encore digressions, révèle et critique l'univocité des documents et l’aspect définitif de l’idée de biographie.




 Patricia Maincent