C'est comme ça, 1987

U-Matic PAL, couleur, son


C'est comme ça est un vidéoclip sur un des morceaux les plus connus du groupe pop français Les Rita Mitsouko. Jean-Baptiste Mondino met en scène un téléspectateur, en l'occurrence un singe-zappeur, devant une télévision qui diffuse le clip de la chanson. C'est dans cette télévision, que regarde le singe, qu'il met en scène le groupe – mise en abyme du clip dans le clip- reprenant un 'genre' de programme télévisuel : le concert filmé, dont parle Pierre Sorlin*
Le singe est montré dans son intimité, un appartement confortable aux couleurs chaudes. Il s'agite dans un gros fauteuil en cuir en regardant le clip,  se lève pour mettre en mouvement la queue et la tête d'un chien en plastique posé sur le téléviseur et revient rapidement s'assoir. Le montage alterne ainsi des plans serrés sur l'écran et le concert, et d'autres, plus larges, sur le singe-spectateur. A l'écran, l'énergie du rock se donne à voir dans un montage rapide et des séquences courtes. La chanteuse du groupe, Catherine Ringer, est décrite par des gestes accentués, filmés en gros plans, dans une danse saccadée ou la bouche quasi hurlante. Le guitariste Fred Chichin, manipule sa guitare avec énergie et une gestuelle ample.
L'univers graphique du spectacle est gris et bleu, retravaillé à l'ordinateur. Les lignes simples et marquées des vêtements et du maquillage, plus soutenu qu'à l'habitude pour ce groupe, fixent des images stéréotypées qui relèvent d'une représentation plus générale du rock. Ainsi le va-et-vient de la scène au public, l'ambiance et le cadrage, comme fragmentation du spectacle, sont parodiés et soulignés par le graphisme, dans un jeu qui se situe à la limite de deux catégories de produits télédiffusés, le clip et le concert filmé.
L'éclosion des chaines musicales, emblématiques des années 1980, est aussi représentée dans cette micro-fiction : un numéro de chaîne correspond à chacun des interprètes : la chanteuse, le guitariste et l'enfant qui joue sur un tambourin. Cette couverture figurée de l'évènement sur plusieurs chaînes, ainsi que l'agitation frénétique et le zapping incessant du téléspectateur indique de manière caricaturale l'addiction aux programmes de télévision.
Il est à noter que le scénario propose un 'singe téléspectateur' face à un écran de télévision où est diffusé le vidéoclip. La caméra est située derrière le fauteuil où il est assis. Ainsi visionner C'est comme ça revient à se situer dans cet axe frontal, dans le regard du singe.
Ce clip rend apparent le paradoxe qui existe entre la représentation de la dynamique du rock à la télé et le statisme des individus devant leur écran de télévision. A la fin du clip, alors que le spectacle est terminé, le spectateur reste longuement avachi dans son siège alors qu'une speakerine désuète, blonde platinée et muette, apparaît à l'écran.


Thérèse Beyler


*" Le concert filmé conserve "l'ambiance de la salle" et "la télévision […] révèle le travail qui produit les sons, elle exhibe la participation des corps, la tension des lèvres, des doigts, des visages, les efforts et la passion qui transforment la partition en suite musicale"1.
Pierre Sorlin, Esthétique de l'audiovisuel, Paris, Nathan Université, p. 169.