Vertical Roll, 1972

1 Pouce, NTSC, noir et blanc, son



La première partie de Vertical Roll est obsessionnelle et hypnotique. Le principe en est le suivant : les images vidéo défilent verticalement par sautes répétitives ; dans les intervalles, la même barre noire monte et descend d’un mouvement irrégulier, discontinu et convulsif.


Ce sont des parties de son corps que Joan Jonas montre en direct à la caméra. L’image est fragmentaire par le cadrage et par ses sautes incessantes et mécaniques. L’impression est fascinante. L’image plate produit des déformations visuelles, des torsions du réel par son intermittence même ; l’effet de vitesse et de bruit rend irréels les morceaux de corps qui apparaissent comme des surfaces plastiques ; ou bien, c’est le mouvement même qui se perd, par exemple, les mouvements de pieds : ils se dissolvent dans les mouvements de l’image produits à contretemps, à contrepoint des sauts (sauts de pieds contre sautes d’images).


La deuxième partie de Vertical Roll prolonge la première (le défilement vertical continue), mais s’ajoute dans l’écran, par dessus l’image rapide et fragmentaire, le visage de Joan Jonas qui entre lentement dans le cadre. Cette image, non répétitive, continue et pleine, est étrange par le calme qui l’accompagne : ce visage inexpressif, neutre, passe là comme l’image réaliste et régulière qui s’oppose à l’autre image, irréaliste et irrégulière. Le visage glisse de profil, puis se tourne de face vers nous, puis par une étrange torsion encore il se détache du sol, et disparaît de l’image comme dans l’air. Ce sont deux aspects du réel qui, en fait, se confrontent là, de façon brutale et violente, grâce à la vidéo qui permet, par le direct, de pousser le narcissisme vers ses limites : la dispersion du corps, la concentration du visage. (S.M.)


 


(Extrait du catalogue Vidéo et après. La collection vidéo du Musée national d’art moderne. Editions Carré et  Editions du Centre Georges Pompidou, Paris. 1992.)