Snaking, 1992
Betacam SP, PAL, son, couleur, 3'10"
Snaking est une oeuvre vidéo en noir et blanc réalisée par Philippe Parreno et Pierre Joseph sur le modèle publicitaire du clip vidéo. Snaking représente un rapport à la société à travers l'opposition glisser/ramper. Des images métaphoriques défilent dans un montage en cut sur une musique rythmée et dans une durée très courte.
Snaking commence par une proposition écrite sur l'écran : "You're tired of blading, trekking, jogging, rafting... Try snaking." Les pratiques contemporaines et conformistes du balladeur, des rollers et autre formes de glisse indiquent une dynamique sans obstacle, que la musique prolonge alors que l'image présente en alternance un acteur prononçant cette phrase en bégayant et des personnages rampants : des enfants sur le bitume, un homme dans la rue puis dans la forêt. Plus tard, portant un vêtement qui réunit ses jambes, il se déplace sur un quai, plonge dans une piscine et réapparaît enfin dans un espace étroit par lequel il accède à une forte lumière.
L'oeuvre fait référence au dépassement de soi et au film Le grand bleu par un univers psychologisant et grotesque où se succèdent d'un plan à l'autre les univers : de la rue, de l'underground et aquatique. Cette approche ludique d'une question existentielle trouve son issue dans un retour de l'homme hybride dans un espace privatif, qu'un commentaire de l'oeuvre traduit par : "So let's get out of the water and get back on land… and try snaking ! Why not ? Again, why not ?"1
Des plans d'ensemble et des gros plans, des images bougées, des solarisations animent discrètement le défilement des séquences, qui est soutenu par la musique diffusée avec des effets de surrounding.
La fluidité de l'approche sociale par le "fun", qui marque bien les deux dernières décennies, rompt avec les représentations des années 1960 et 1970, dont témoigne Through the night softy (1971-1974) de Chris Burden, où un homme torse nu et les bras attachés dans le dos rampe sur un tapis de verre cassé.
Le serpent et l'action ramper sont dans l'oeuvre de Philippe Parreno des motifs déclinés sous des formes différentes et référant à des réalités distinctes. L'exposition Try Snaking à la galerie Air de Paris en 1991 présente un vêtement rappelant celui de la bande vidéo, ainsi qu'une installation composée d'un chemin de cailloux et d'un bidon portant l'inscription "snaking". Dans l'installation AC/DC Snakes numéro 1 (1995-1998), un assemblage de prises électriques, de voyants lumineux et de câbles indique l'idée du réseau, son mode d'alimentation et réfère plus largement dans l'oeuvre de Parreno aux systèmes de communication contemporains et aux relations sociales. Dans Surface de réparation 2, l'homme public (1995), les haut-parleurs et le micro dans la mise en scène d'une émission de télévision sont débranchés afin de créer une interaction entre le public et le présentateur.
Thérèse Beyler
1 "Bon, eh bien, sortons de l'eau et retournons sur terre... et essayons de ramper ! Pourquoi pas ? Encore une fois, pourquoi pas ?"