Heaven, 1997

Bande vidéo numérique diffusée sous forme de fichier numérique, couleur, son, 28 min


Heaven provoque. Cette vidéo, tournée dans le style vacancier amateur, s'attaque à une des icônes de la culture australienne - appartenant de surcroît à un monde quasi exclusivement mâle - le surfeur. Sur une plage et à ses abords, au rythme d'une bande son alternant entre le bruit des vagues et des chansons d'hommes, Tracey Moffatt poursuit de son objectif des surfeurs dans leurs préparatifs sportifs. Le film s'ouvre sur des images prises à la dérobée où les surfeurs changent de vêtements. Sans gêne, Tracey Moffatt examine ces corps d'homme qui s'habillent et se déshabillent. Ce style voyeur prend des allures de flirt, elle les nargue et les aguiche. Les surfeurs lui répondent avec un mélange de grossièreté et de vexation toute machiste, stupéfaits et flattés de l'impudence. Tracey Moffatt s'amuse immensément. L'indéniable réussite de ce malicieux exercice de style tient à l'ambivalence des sentiments provoqués: un plaisir certain à mater et un certain malaise face à ce procédé voyeur habituellement associé à un comportement masculin.Cette pièce audacieuse, si elle inverse la représentation traditionnelle du regard homme-femme, n'en prône pas pour autant la pertinence; il ne s'agit pas d'une revanche. Elle pointe un système de valeurs en vigueur, que l'on peut observer à l'œuvre quotidiennement à la télévision, dans les publicités, etc., et cela dans l'indifférence la plus convenue. Ces représentations sont entrées dans les moeurs.

Isabelle Aeby Papaloïzos