Nachdatch, 2007

Projection vidéo d’animation en 3D
1 bande vidéo béta numérique, diffusée sous forme de fichier numérique,
4/3, noir et blanc, son stéréo


Nicolas Moulin utilise la photographie, la sculpture et la vidéo complétées par des techniques numériques pour construire des paysages et produire des architectures gigantesques. Il puise ses références dans les courants artistiques du XXe siècle, comme les constructivistes russes, les expressionnistes allemands, les ultra-modernistes et les auteurs de science-fiction. Son axe central de recherche plastique porte sur les mythologies urbaines et technologiques qui gouvernent la société depuis un siècle. Dans la vidéo Nachdatch, un hall d’immeuble est totalement recréé en images de synthèse sans recherche de réalisme. L’architecture épurée rappelant le modernisme est inspirée des bâtiments de l’architecte Paul Rudolph. L’espace, très minimal, est en béton brut noir et blanc, et malgré sa démesure, l’artiste en fait un lieu confiné, évoquant un sous-sol ou un bunker. Accompagné d’une bande sonore répétitive, Nicolas Moulin compose un plan fixe dans lequel la présence du hors champ est sublimée. Dans une ambiance nocturne, on devine une présence presque menaçante. En effet, le bâtiment est balayé de faisceaux lumineux éblouissants donnant l’impression au spectateur que le lieu est survolé d’une présence étrange. La source réelle de la lumière est énigmatique, elle s’infiltre par des ouvertures situées au plafond. L’architecture n’en est que davantage mise en valeur, se dévoilant ainsi par fragments à mesure que les traces lumineuses éclairent un pan de mur ou de sol. L’artiste compare cet effet à celui que l’on retrouve dans les phares des voitures striant le plafond d’un appartement en ville, la nuit. Nachdatch peut également être appréciée comme une succession de motifs lumineux abstraits rappelant le cinéma expérimental ; et le travail sur les clairs-obscurs et les ombres évoque le cinéma expressionniste allemand. Le spectateur se retrouve dans la position d’un observateur d’un espace vide dont on devine petit à petit les contours. La vidéo devient quasiment hypnotisante à la manière des Dream machine de Bryon Gysin qui fut une des sources d’inspirations de l’artiste. La Dream machine est composée d’un cylindre rotatif ajouré équipé d’une ampoule en son centre. Lorsque la lumière traverse les ouvertures du cylindre, la fréquence des rayons de lumière qui s’en dégage est telle que les spectateurs qui la fixe se sentent immédiatement détendu. Elle procure également des visions à l’utilisateur lorsqu’il se tient devant la machine les yeux fermés. Nicolas Moulin, par son utilisation de la vidéo et des images de synthèse interpelle l’imaginaire du spectateur qui peut inventer une source artificielle ou solaire à cette lumière qui balaie l’espace de façon aléatoire. Nachdatch est à mettre en relation avec une autre œuvre de Nicolas Moulin, Datchotel Ryugyong, 2007, la maquette à échelle réduite du Ryugyong hôtel de Pyong Yang en Corée du Nord ; gratte ciel à forme pyramidale de plus de trois cent trente mètres de haut, construit pendant la guerre froide dans le but de dépasser les réalisations occidentales. Cependant, sa construction a été abandonnée en 1992, laissant sur place une épave en béton armé. La maquette de ce projet ambitieux propose une méditation poétique sur les constructions humaines. Nachdact pourrait être une vision de l’intérieur de cet hôtel fantôme, sans fenêtre, ni aménagement.


Priscilia Marques