Paris without a Sea, 2007 - 2008

Bande vidéo miniDV PAL diffusée sous forme de fichier numérique
4/3, couleur, son, arabe sous-titré anglais,
13 min 07 s


Lorsqu'elle rendait visite à sa famille à Beyrouth pendant ses études d'art à Amsterdam, Mounira Al Solh a filmé son père et ses amis dans leur rendez-vous matinal pour nager. La mer, très polluée dans cette ville où la côte est souvent réservée à des plages privées, reste accessible à de rares endroits, fréquentés presque exclusivement par des hommes. Elle a décidé de documenter les membres de ce groupe, qui s'échappaient chaque jour de leurs impératifs professionnels et familiaux comme pour un bref exil.

 

Al Solh a réalisé de longs interviews avant d'avoir l'idée du montage actuel : elle a filmé les protagonistes en leur demandant de parler plus lentement, puis a conservé leur propos et simplement substitué sa voix aux leurs. Ce doublage devient une sorte d'échange d'identité, où l'artiste incorpore partiellement la masculinité. S'appropriant des mots qui ne sont pas siens, elle traverse les catégories étroites définissant la place des hommes et des femmes, qui dominent la vie quotidienne libanaise. En 1993, l'artiste finlandaise Eija Liisa Ahtila avait mis en scène un procédé de ventriloquie dans son installation vidéo Me/We ; Okay ; Gray, où la voix et le discours du père de famille se déplacent dans la bouche de sa femme et celles de ses enfants pendant qu'ils étendent leur lessive. Ici, Al Solh se contente d'activer les conversations et elle les documente. À la fois invisible et envahissante, elle glisse sa voix dans la peau des nageurs ; il en résulte un assemblage improbable entre les figures de la sirène et de l'alien.

 

Marie Muracciole, 2020